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    Portfolio
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p>Les histoires des musées consacrent toujours un chapitre à ce phénomène de la période moderne : le cabinet de curiosité. Lieu fermé sur lui-même, espace saturé par l'accumulation d'objets, chambre dédiée à la délectation du regard de quelques privilégiés... Le cabinet de curiosité rassemble des objets de toutes natures (peintures, objets d'arts, mobilier, animaux, pierres, bijoux,...), le dessein des princes tels que Rodolphe II de Prague étant de condenser toutes les richesses du monde dans une salle. Ce lieu est une sorte de monde détaillé, en réduction, préservé pour son propriétaire et ses connaissances.
    L'artiste allemand Thomas Struth, qui a subi l'enseignement néo objectif des Becher, révèle d'autres types de curiosités d'avantage contemporaines dans sa grande série de photographies prises dans les grands musées du monde. Aux antipodes du lieu reclus qu'était le cabinet de curiosité, les grandes salles du musée du Louvre, fréquentées chaque année par des millions de visiteurs, sont au contraire devenues un lieu de consommation de masse. L'accumulation des trésors, ici les grands formats français du XIXe, ne sont pas réservés à des yeux avertis, mais sont donnés à voir comme des murs de peintures devant lesquels le peuple s'agglutine. Struth fixe ce geste social démocratisé et produit une forme de mise en abîme, en créant une œuvre montrant des visiteurs devant des peintures, objet qui sera lui-même regardé par un public dans un musée...
    Deux siècle plus tôt, Gabriel de Saint-Aubin réalise des croquis lors des traditionnels Salons qui se déroulent au Louvre, pour fixer l'accrochage des ces expositions éphémères  et le public qui les fréquentent. Le caractère réflexif de ces dessins est moins puissant que les photographies de Struth. Leur intérêt réside avant tout dans l'attention portée à la cimaise et à la disposition des tableaux qu'elles reçoivent. Le Salon est une forme d'exposition temporaire (que l'on connaît aujourd'hui pour son caractère évènementiel), lieu de débat, de critique, de prises de positions radicales, mais aussi du spectacle et d'apparences. Une grande part de la morphologie de nos collections publiques est dépendante du Salon, puisque les médaillés étaient systématiquement achetés par l'Etat. Le visiteur du Louvre fixé par Struth s'arrête donc parfois devant des œuvres récompensées au Salon, et que Saint Aubin avait pu étudier dans ces croquis.
    Retournons à un aspect du musée plus confidentiel et réservé à une élite : le cabinet d'art graphique destiné au chercheur ou au spécialiste. Nulle foule dans ces lieux. L'étude de l'œuvre est minutieuse, précise, longue. Elle est d'ailleurs menée de près, l'œil entretenant une grande proximité avec l'objet d'étude. Le cabinet des estampes est forcément confidentiel, ne pouvant accueillir que quelques spécialistes en même temps dans un cadre de bois où l'encre est proscrite.
    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>Anonyme, Le cabinet d'Ole Worm, 1655, burin sur cuivre, Modène Bibliothèque Estense
    Thomas Struth, Musée du Louvre, IV, 1989, cibachrome, Collection privée
    Gabriel de Saint-Aubin, Tableaux exposée au Salon du Louvre, pierre noire, ca 1767, Paris, Musée du Louvre
    Anonyme, Cabinet des estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique (Bruxelles), ca 1950, épreuve gélatinobromure d'argent, Bruxelles, Archives de la bibliothèque

     


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    Le musée captif d'enjeux économiques


     

    Gwilherm Perthuis

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p><o:p> </o:p>

    Lamartine avouait sa mélancolie face au musée dans son journal de voyage en orient : « Je suis las des musées, cimetières des arts ». L'amoncellement de tableaux, de sculptures, d'objets d'arts, reliquats d'époques révolues, au sein d'un espace au décorum codifié, est une sorte d'accumulation d'épaves, dont le rôle serait comme dans un cimetière, de susciter le souvenir de personnalités perdues, appartenants à des temps à jamais perdus.

    L'usage et l'avenir des collections conservées dans les réserves des musées publics français ont été débattus récemment dans la presse et les médias en général. Certains tenants du débat cherchant à démontrer l'intérêt d'un dépoussiérage des musées, pour tendre vers un système plus rentable et permettant de tirer d'avantage de profits des « cimetières des arts » supposés parfois inutiles et trop coûteux pour un petit pays de la dimension de la France. Le débat sur les réserves inutiles et inexploitées a été posé avec des arguments erronés, ce qui a emprisonné les possibilités de s'en échapper avec intelligence pour tirer le meilleur parti possible des collections et de leur redonner leur véritable importance. Nous avons été prisonnier d'arguments trop évidents et faciles à avancer en tant que slogan, auprès du grand public, mais qui s'étiolent rapidement si l'on retire l'appareil communicant simpliste plaqué sur la situation complexe.

    La prison imaginaire et fantasmée de Piranèse pourrait résumer métaphoriquement le système dans lequel les musées sont pris. Ces gravures à la fois sidérantes de richesses, de détails, et de complexité, renvoient pourtant à une réalité spatiale qui clôture, qui contraint, qui étouffe... La métaphore carcérale, qui a par ailleurs été régulièrement utilisée au XIXe siècle pour décrire le musée, peut être filée pour définir la situation subie par certains conservateurs, murés dans les musées dont ils ont la charge et muselés par des dirigeants politiques qui à certains égards ont adoptés des pratiques de type soviétique.

    Nous formulons quelques rappels relatifs à des choix politiques autour des musées français, imposés de force par le gouvernement, sans concertation avec les professions concernées (historiens de l'art, intellectuels, conservateurs, instances de l'ICOM...). Le Louvre Abu-Dhabi, la marchandisation des collections, le développement incontrôlé du mécénat seront les quelques axes qui guideront notre démonstration de l'emprisonnement progressif de la culture en France, aliénée au système financier.

    <o:p> </o:p>Des faits troublants
    <o:p> </o:p>

    Dans Le Monde daté du 13 décembre 2006, Françoise Cachin, Jean Clair et Roland Recht, nous alertaient pour la première fois, avec le texte intitulé « Les musées ne sont pas à vendre », sur les dérives des musées français en matière d'exploitation commerciale des collections et sur des pratiques qui ne coïncident plus avec le code déontologique de l'ICOM. C'est grâce à cette tribune qu'un grand nombre de professionnels ont pris connaissance des choix politiques du ministère de la culture, en particulier relatifs à la création d'un musée du Louvre à Abu-Dhabi (constitué d'une partie des collections du musée parisien) et de la cession de la désormais marque Louvre, le tout pour un pactole d'environ un milliard d'euros. Les conservateurs qui auraient pu être impliqués dans ce projet, n'ont jamais été conviés à s'exprimer sur le sujet et les rares personnalités qui se sont permis d'apporter publiquement un regard, ont été mis à pied (le conservateur en chef du musée de l'Orangerie par exemple). Le site internet La tribune de l'art a vivement réagit en soutenant le propos de la tribune et en lançant une pétition dénonçant les dérives.

    Depuis l'autonomie donnée à certains musée nationaux désormais transformés en établissements publics, les budgets peuvent être gérées plus librement par le chef d'établissement et des ressources nouvelles sont recherchées pour maintenir ou accroître les activités, menacées par le désengagement progressif de la puissance publique. Tous les moyens sont bons désormais pour renflouer les caisses d'institutions dont les budgets de fonctionnement sont extrêmement lourds et impossibles à équilibrer.

    Le conservateur en chef qui occupe également la fonction de président-directeur se transforme ainsi en petit chef d'entreprise qui a pour ambition première de rechercher les soutiens financiers, et se détache progressivement de ses motivations scientifiques, intellectuelles, et culturelles.

    <o:p> </o:p><o:p> </o:p>Approche des dérives
    <o:p> </o:p>

    Les directeurs d'institutions tels que le Louvre n'hésitent pas à employer des méthodes qui en apparence sont louables, car elles permettent de dégager des fonds, mais qui s'apparentent en de nombreux points à une forme de prostitution et d'aliénation.

    <o:p> </o:p>

    Vendre son nom,  ses biens, et son savoir faire pour une durée déterminée, en échange d'une rémunération est une forme de prostitution. C'est ce que le Louvre a accepté de faire à Abu-Dhabi, en prêtant des œuvres choisies par le payeur qui donnent une vision faussée de la peinture occidentale, les nus et les œuvres religieuses étant proscrites. Ce projet est néfaste en tout point : il ne correspond à aucun critère scientifique, offre un regard erroné de la peinture conservée au Louvre, dépossède nos collections de chefs-d'œuvre sur lesquels nous n'avons plus de droit, remet en cause implicitement le principe de l'inaliénabilité, qui veut que les œuvres appartenant aux collections nationales ne puisse être vendues.

    <o:p> </o:p>

    Le débat sur l'inaliénabilité a d'ailleurs été posé dans un rapport sur le « patrimoine immatériel » entre autre dirigé par Maurice Lévy, le publicitaire qui dirige Publicis. Il prononçait un avis favorable à la vente de certains pans des collections publiques pour faire fonctionner les musées ou financer de nouvelles acquisitions. Ce préjugé est encore une fois totalement détaché de la réalité des collections des musées et de leurs réserves. Non les musées ne regorgent pas de chefs-d'œuvre sous exploités. Toutes les œuvres majeures ou considérées comme telles sont présentées au public. Le nombre d'œuvres astronomique souvent cité comme dormant en réserve, correspond globalement à des œuvres dans un état de conservation qui ne permet pas leur exposition, des œuvres mineures intéressantes historiquement mais qui ne peuvent être introduites dans un parcours valorisant, ou des œuvres qui ne supportent pas une exposition permanente (œuvres graphiques, textiles...). De plus, même si quelques œuvres en réserve pourraient être vendues, leur valeur économique est tellement basse qu'il faudrait parfois vendre des centaines ou des milliers d'œuvres pour dégager une somme permettant d'acquérir un objet rare de grande valeur exposable. Pour acquérir une peinture de Poussin vendue plus de 15 millions d'euros, il faudrait vendre environ 1500 peintures de second rang...

    <o:p> </o:p>

    Cet exemple chiffré nous amène à poser la question du mécénat qui a été récemment largement encouragé de manière à palier le retrait progressif des pouvoirs publics (l'affaire Poussin récente est éloquente). L'implication des entreprises dans le domaine culturel est souhaitable si elle permet d'accompagner les prérogatives de l'Etat, mais le mécénat à la française tend à se substituer à l'argent public et se mue souvent en pur sponsoring tout en offrant des conditions fiscales uniques au monde. Les vrais mécènes sont très peu nombreux en France et les soutiens aux musées offerts par les entreprises, sont toujours accompagnés de dégrèvements d'impôts très importants (globalement deux fois plus importants qu'aux Etats-Unis) et d'une attente de retour sur investissement équivalent à celui attendu pour la publicité. Citons Total qui finance en partie la restauration de la galerie d'Apollon au Louvre (défiscalisé à 66 %), mais qui bénéficie ainsi d'une communication gratuite et noble gravée en lettres dorées dans les boiseries de la galerie... Le directeur de l'institution n'a plus la maîtrise scientifique des projets qu'il souhaite voir éclore, étant profondément dépendant des volontés de communication des grandes entreprises françaises. Le financeur est toujours le décideur. Les conservateurs devront ainsi s'en remettre aux services communications des entreprises pour la définition de la politique culturelle, ce qui risque de faire disparaître des projets ambitieux scientifiquement mais qui n'auront pas la visibilité nécessaire pour attirer des partenaires privés.

    <o:p> </o:p>

    Le Louvre a annoncé récemment qu'il proposait de louer ces chefs-d'œuvre ce qui remet dramatiquement en cause le principe de prêt réciproque, institué tacitement entre l'ensemble des musées du monde. Un opérateur privé installé à Vérone en Italie a ainsi accepté d'établir un chèque de 4 millions d'euros en échange d'un prêt de pièces majeures. Ces quelques exemples tendent à instaurer un système marchand classique au sein du cadre longtemps préservé des musées. Nous ne nous y opposons pas par principe, mais pour signaler les risques que cela pèse sur la diversité culturelle et la défense de certains projets intellectuellement très important mais qui ne s'inscrit pas dans le modèle économique propre au secteur marchand. Que les musées y cèdent est un choix politique qui nie la diversité et ne reconnaît des vertus que dans les pratiques culturelles largement diffusables et qui peuvent engendrer des retours sur investissement. Signalons pour conclure nos propos, que les mesures de libéralisation et de désengagement de la collectivité dans les activités culturelles, va à la fois nuire à la qualité et à la diversité, mais va aussi coûter cher : en pertes fiscales, en manques à gagner touristiques, et enfin en intégrité...

     


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