• Numéro 3 | Butor

    Conrad Witz

     

    Michel Butor

     

    1 La rusticité des visages, la massivité des corps.

    2 Les gemmes, sur les auréoles des rois mages, sur la mitre et les bijoux de l'évêque, sur la bordure du

    manteau blanc de Saint Barthélémy, la goutte de sang sur son couteau.

    3 Le bleu du ciel dans la fenêtre de la Synagogue à demi fermée d'un volet, sombre en haut, s'éclaircissant,

    de plus en plus vert en descendant ; les caractères hebraïques sur les tables quíelle maintient.

    4 L'ombre portée de la vierge et de l'enfant sur l'angle de la maison au-dessous des superbes gravats ; partout

    la décrépitude rigoureusement propre des constructions ; le fait que les auréoles n'ont pas d'ombre.

    5 Les statues, celles des anges sur le trône de la Vierge, celle de David dans sa niche, celle de Salomon

    dans la sienne.

    6 La duplication des personnages.

    7 Les reflets sur l'armure de Sabobaï.

    8 L'or damassé des fonds ; le battant de la porte Dorée, les patoches de Joachim, les pieds en général, les

    cailloux.

    9 Dans le saint Christophe, l'agrandissement considérable de la chapelle et de la maison dans le miroir

    du fleuve. L'effervescence chinoise des rochers dans le lointain sur les eaux. Le sourire du géant tandis que

    son bâton se brise.

    10 La pêche miraculeuse : 1 l'auréole du Christ à aigrettes rouges,

    2 les bulles,

    3 les vaguelettes,

    4 les herbes chevelues,

    5 cubes indiquant la matière pierreuse de la montagne,

    6 la foule des sommets neigeux,

    7 Saint Pierre à la fois dans la barque et dans l'eau,

    8 la mince cavalacade sur l'autre rive,

    9 le mouvement huileux de la barque,

    10 le mouvement des poissons dans le filet qu'enveloppe

    celui des reflets. Pêcheurs díhommes.

     

     

    L'Arc

    (n° 39). Michel Butor articule des fragments descriptifs tirés de certains détailsdes peintures de l'artiste bâlois Conrad Witz (1400 – 1445), conservées au musée d'art etd'histoire de Genève et au Kunstmuseum de Bâle.

    Ces détails sont traduits dans un cadre littéraire, favorisent les rapprochements entre

    des morceaux de peintures éclatés spatialement (dans des tableaux et des musées différents)

    et induisent une nouvelle narration. Butor créé une peinture littéraire qui n'existe pas

    physiquement, pure invention mentale, convoquant la confrontation entre l'image et le mot,

    entre l'espace du tableau et l'espace plus vaste et immatériel de la littérature.

     


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